Mariem Chedad : ‘’J’aime l’ordre, j’adore l’arbitrage’’
Désignée pour officier durant la CAN U20 Total 2021 qui se déroule chez elle, l’arbitre mauritanienne Mariem Chedad âgée de 25 ans, a confié à CAFOnline vivre ‘’un rêve éveillé’’ qui doit faire naître des vocations pour les femmes de son pays. Arbitre assistante lors des rencontres Namibie - Centrafrique et Maroc - Ghana entre autres, Chedad invite les femmes ‘’à vivre leur passion, à faire du sport et donner leur contribution pour le développement’’ de leur pays.
Question : Vous êtes désignée pour la première Coupe d’Afrique des nations se jouant dans votre pays, un vrai accomplissement ?
Réponse : (Large sourire) Et comment ! vous voulez que je vous raconte, au début, je me disais que les gens se sont trompés parce que je peinais à y croire, officier pendant cette compétition qui se déroule chez moi pour la première fois. C’est une grande bénédiction et je me suis dit qu’après je me dois d’être à la hauteur pour conforter tous mes souteneurs et donner la possibilité à d’autres jeunes mauritaniennes de s’intéresser au sport en général et au football et l’arbitrage en particulier.
Question : Comment vous êtes vous retrouvée dans un milieu réputé masculin et dans un pays baigné par une forte tradition ?
Réponse : Vous avez raison de vous poser la question mais j’ai eu la chance d’être née dans une famille très ouverte. D’un père mauritanien haut cadre et d’une mère ukrainienne férue de sports et qui nous a très tôt initiée à la pratique sportive. D’ailleurs, elle pratique l'athlétisme et c’est une marathonienne, et grâce à elle, j’ai fait le marathon de Marrakech (Maroc) en 2016.
Question : Et le football dans tout ça ?
Réponse : J’y viens. Ma mère m’a poussé à faire du sport, j’ai pratiqué le kickboxing, le taekwondo et le football, je jouais en futsal dans des équipes mixtes chez moi à Nouadhibou (2-ème ville de la Mauritanie), mais ce n’est pas allé loin et j’ai failli tout arrêter et baisser les bras jusqu’à ce que l’arbitre AbdelAziz Bouh (juge central Maroc-Ghana du 19 février) nous informe de l’arrivée d’une mission de prospection dirigée par l’ancien international, Idrissa Sarr en 2016. Après avoir suivi cette session en 2015, je n’ai jamais arrêté jusqu’à nos jours.
Question : Donc, c’est la frustration de n’avoir pas pu jouer au football qui vous a poussé vers l’arbitrage ?
Réponse : En vérité, je suis attirée par l’ordre, que des choses soient toujours en place, je ne peux pas dire que je suis une maniaque mais quand les choses ne se passent pas comme prévu, j’ai tendance à sortir de mes gonds, et comme j’adore le sport, j’ai trouvé dans l’arbitrage l’exécutoire nécessaire pour mon équilibre.
Question : Et comment ça se passe tous les jours dans une société réputée traditionnelle ?
Réponse : Il y a eu des critiques mais comme j’ai la bénédiction de mes parents, il n’y a pas de souci et l’arbitrage ne me gêne pas dans la pratique de ma religion. D’ailleurs, je suis couverte quand j’officie donc pas de problème à mon niveau. Mais malgré tout, il y a des critiques mais nous devons vivre notre vie de citoyenne à part entière en menant de front nos activités.
Question : Et les études dans tout ça ?
Réponse : Je suis en Master de Logistique dans une université privée, j’ai eu la chance de tomber sur des responsables compréhensibles qui m’aménagent mes heures et mes examens. Je mène de front mes études et l’arbitrage, j’officie en Super D1 mauritanienne (élite) et en D2. Ça se passe super bien et les autres arbitres nous encouragent beaucoup parce que nous sommes tout juste une dizaine de femmes.
Question : Etre femme et siffler à l’occasion d’une CAN masculine, comment ça se passe concrètement ?
Réponse : Il n’y a aucun problème, les règles sont universelles même si ça va plus vite chez les hommes mais j’ai bien l’habitude de le faire dans le championnat local. Il est vrai que la CAN, c’est un cran au-dessus, ça va plus vite et les enjeux sont énormes mais je fais abstraction de tout ça.
Question : Votre rêve ultime dans l’arbitrage ?
Réponse : Aller le plus loin possible, faire toutes les grandes compétitions et je me donnerais les moyens pour y arriver parce que dans un sens, je suis devenue un modèle pour mes sœurs. La Mauritanie se fera avec ses hommes et ses femmes et je suis tellement fier de voir mes parents notamment mon père être heureux de ma présence dans cette compétition. Lors de mon dernier match (Maroc-Ghana) il était présent et je voyais de loin son sourire. Et pour rien au monde, je ne veux changer cette fierté que j’ai procurée à ma famille.
CAF